autolouange : pratique des noms de force
L'Autolouange.
L'Autolouange naît pour moi d'une image qui émerge souvent dans le même temps qu'une phrase naturellement rythmée en alexandrin. Cette "révélation" semble provenir spontanément d'une même source, là où cerveau Droit et cerveau Gauche sont encore accordés en deux cheminements parallèles, sans prédominance de l'un sur l'autre, tel un secret qui sourd sous deux formes.
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La "pratique des Noms de Force" étant une déclamation publique avant d'être une écriture, les Dazibaos correspondent exactement à cette place "d'affichage" dans l'espace collectif entre l'oral et l'écrit.
L'intimité des replis poétiques de l'inconscient personnel prend alors le risque de s'exposer face à l'étonnement.... peut-être à la contestation... aussi à la rencontre de l'émission de l'autre, et vient se partager au coeur de ce qu nous appartient plus largement.
Autolouange
L’autolouange est une pratique orale très ancienne autant de médiation que de guérison, qui était pratiquée sur toute la planète. Elle est restée vivante et nous est parvenue par l’intermédiaire des Griots de la tradition Africaine, médiateurs initiés s’il en est, sous le nom de Kasala. Traduit par « auto-louange », nous sommes loin de la puissante réalité que cela recouvre. Dans toutes les cultures du monde, et notre bain judéo-chrétien en fait parti, parler de soi est très mal perçu, souvent pris pour de la vantardise ou de la forfanterie !
Il ne s ‘agit surtout pas de faire du positivisme. Cette pratique des « Noms de Force », très exigeante de justesse ouvre à la médiation entre « le héros » et les partenaires multiples de la situation en train de s’ouvrir, instaurant une distanciation qui peut prendre toutes les « couleurs », des plus fortes et douces aux plus grinçantes si c’est nécessaire dans l’instant. Paradoxalement, cela requiert une grande modestie, et remet chacun au cœur de son inscription cosmique et de la responsabilité qui en découle.
Lorsque le Griot doit faire le panégyrique du marié, ou du chef de tribu par exemple, il vit plusieurs jours avec la famille pour s’imprégner des histoires familiales, puis élabore un discours englobant la réalité complexe des liens aux ancêtres, aux descendants, et au groupe social. Ce regard extérieur, mais exprimé en terme de « je.. », va se servir de tous les éléments observés, et faire accepter les aspects aussi bien positifs que redoutables et redoutés de la personne dont il fait l’éloge.
Reprenant cette haute tradition dans notre contexte, le travail de médiation se fait entre les parties obscures de nous-même et celles qui sont déjà intégrées. Cette mise en lumière appliquée aux situations embrouillées et complexes de la vie quotidienne, ou autour d’une maladie de façon plus intime, ouvre à des transformations inespérées.
Cela passe par la production d’un texte écrit puis déclamé face au groupe. L’écriture, très spontanée, va chercher dans le ventre, les reins et le cœur, la force dont nous sommes porteurs, Nous avons alors la surprise de voir émerger des textes incroyablement poétiques et forts, troquant l’étouffement ratatiné que donnent les problèmes, pour l’ample respiration d’une mise en voix de la joie d’être, que nous pouvons soutenir dans une parole
juste , donc transformatrice, qui s’étend à tous les domaines.
« Seul celui qui a vu le prix inestimable de sa propre vie est capable de s’incliner devant celle de son frère et de déceler en elle la même haute énigme. »
(C.Singer)
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APOCALYPSE – tapisserie d’Angers - 26 Avril 14
Gigantisme à hauteur de l’énormité du problème,
La profondeur de mon opacité nécessite une telle mise en scène :
Ouvrir les yeux sur mes monstres intérieurs, les débusquer !
Je suis la douceur d’un tissage précieux et intense qui crie le paradoxe
Entre ma peau d’humaine si innocente, si fine, si délicate
Et les fureurs, les haines, les révoltes lovées entre les muscles et les os,
Bien cachées au creux de l’estomac, foie gonflé qui contient aussi tant d’horreurs !
Du plus profond de mes entrailles, harcelé par la noirceur de cette guerre qui n’en fini pas,
Je suis le roi René, torturé par l’impossibilité à changer le cours de l’histoire.
Je donne à voir au monde la double vision superposée
De l’horreur de la dévastation et de la possible grâce à portée de cœur,
Et dont la force d’évocation bouleversera ceux qui la verront.
M’aveugler sur l’état au monde, m’aveugler sur moi même ;
Ouvrir les yeux, laisser tomber les écailles de la perception ordinaire, tel un redoutable décapage ;
Je suis la vision chahutée qui ne sais plus où est la vérité, du faux-semblant,
Succession de catastrophes appelant une à une l’ouverture à la Lumière
Par les mandorles suspendues du discours constant de la paisible perfection de chaque instant.
Je suis ce travail hors du temps, méditation où les mains font advenir l’universelle histoire,
Apparition lente et colorée sur une âme de laine tendue à en écorcher les doigts.
Oh ! mes mains qui détournent ma tête et ses sempiternelles réflexions,
Vous laissez passer l’inspiration, la compréhension subite de l’intérieur d’un bruit,
De l’intérieur d’un mot : d’une couleur éclot soudain tout un monde,
Un événement politique anodin se révèle être la clé de plusieurs siècles d’histoire ;
L’attention suspendue aux fils de laine et de soie noue des liens insolites
Entre d’autres espaces-temps…
Vous êtes mon corps qui se tisse, mon cœur qui s’explicite d’un lieu inconnu
Que ces fils d’Ariane entrelacés vont afficher à mes sens défendant,
Advenant telle une révélation.
Apocalypse !... les appeaux appellent les oiseaux !... ici, ils semblent appeler Khali,
Déesse de la destruction et de la purification…
Je suis le couple amoureux de René 1er d’Anjou et de Marie de Blois
Qui pour combattre l’horreur et l’effroi, mandate une tapisserie,
N’ayant trouvé d’autre contre poison à la détresse de leur terres ravagées.
Par ce cadeau transmis au monde, puissant et d’une fragilité si dérisoire,
Je porte l’impérissable espoir de la culture où l’art peut encore sauver l’âme.
Couple Royal qui a su trouver l’énergie d’une telle démarche,
J’accepte mon impuissance face à ce qui me dépasse,
Et choisis de traduire cette vision d’apocalypse transposable à tous les temps,
Sur fond de Parole Divine omniprésente, mais qui ne semble pas être entendue…
Sans séparation entre collectif et personnel, je suis ampleur d’un Corps Unique
Qui cherche à retrouver son unité, vastitude d’un projet pour chaque être
Que cette épopée tapissée me permet de croire possible.
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